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Dans le contexte économique actuel où la consommation d’énergie est un enjeu majeur, la lutte contre le réchauffement climatique ne peut plus être considérée comme un sujet secondaire. Dans ce combat, le législateur a entendu impliquer les propriétaires bailleurs et leur impose désormais des efforts très importants. C’est en tout cas ce qui ressort des lois Climat (2019) et Climat et résilience (2021).

Au préalable, citons quelques chiffres : l’Ademe estime que 15 % des logements en copropriété et 20 % des maisons individuelles obtiennent la note F ou G pour l’étiquette énergie du diagnostic de performance énergétique. Cette notation conduit à les qualifier de passoires thermiques, désormais considérées comme des logements indécents au sens de la loi. Dès lors, les bailleurs se trouvent obligés de réaliser des travaux de rénovation importants pour pouvoir continuer, d’une part, à louer et, d’autre part, à augmenter les loyers.

Les critères de l’indécence énergétique

Depuis le 1er janvier 2023 (pour la France métropolitaine), le seuil maximal de consommation d’énergie finale d’un logement est fixé à 450 kWh/m2. Au-delà de cette valeur, on peut désormais parler d’indécence énergétique. Les logements dont la consommation est supérieure à cette valeur (classés G sur l’étiquette énergie du DPE) sont « interdits » à la location. Le critère de performance énergétique, qui établit si un logement est décent, a été modifié en ce sens par un décret paru le 13 janvier 2021.

Cette mesure ne s’applique toutefois qu’aux nouveaux contrats conclus à compter du 1er janvier 2023 et ne concerne pas les baux en cours. De même, l’interdiction ne touche pas (encore) les résidences de tourisme. Selon l’Ademe, 90 000 logements seraient concernés par cette interdiction (dont 70 000 logements privés).

A contrario, le logement est énergétiquement décent dès lors que sa consommation d’énergie (chauffage, éclairage, eau chaude, ventilation, refroidissement…) estimée par le DPE et exprimée en énergie finale par mètre carré et par an, est inférieure à ce seuil de 450 kWh/m2.

Ces évolutions législatives ont également entraîné une réforme du DPE pour le rendre plus fiable, plus lisible et plus pédagogique depuis le 1er juillet 2021 (le DPE nouvelle formule a toutefois dû être revu en urgence en octobre 2021. Depuis le 1er novembre 2021, ils sont considérés plus fiables, nonobstant quelques contestations). Les anciens DPE restent cependant valables : ceux réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 sont valides jusqu’au 31 décembre 2024. Ceux antérieurs au 1er janvier 2018 sont en revanche obsolètes et ne peuvent donc plus être utilisés.

En outre, les performances énergétiques du logement doivent à présent figurer sur les annonces immobilières qui doivent mentionner :

– depuis le 1er juillet 2021 : la classe énergie (la consommation énergétique symbolisée par une lettre, de A à G) et la classe climat (l’émission de gaz à effet de serre, symbolisée par une lettre, de A à G) ;

– depuis le 1er janvier 2022 : le montant des dépenses théoriques annuelles de chauffage indiqué dans le DPE en précisant l’année de référence des prix de l’énergie utilisée ;

– depuis le 1er janvier 2022 : pour les biens classés F et G, que la consommation énergétique est excessive ;

– À compter du 1er janvier 2028 : pour les logements classés F et G, que la consommation énergétique ne respecte pas le seuil fixé par la loi.

Le calendrier d’ici à 2034

La loi prévoit une progressivité des exigences de performances énergétiques des logements en location. Ainsi, avec le relèvement des critères, toutes les passoires énergétiques ne devraient progressivement plus être mises en location et l’interdiction tendra à s’appliquer aux baux en cours.

Ainsi, l’article L173-2 du Code de la construction et de l’habitation précise qu’« à compter du 1er janvier 2028, le niveau de performance, déterminé selon la méthode du diagnostic de performance énergétique (DPE), des bâtiments ou parties de bâtiment à usage d’habitation est compris entre les classes A et E ». L’objectif du législateur est de ne plus avoir sur le marché de la location que des logements classés A à D à l’horizon 2034.

En d’autres termes, seront donc interdits à la location en France métropolitaine :

– Tous les logements classés G à compter du 1er janvier 2025, soit environ 600 000 logements.

– Les logements classés F à compter du 1er janvier 2028 soit environ 1 200 000 logements.

– Les logements classés E à compter du 1er janvier 2034 soit environ 2 600 000 logements.

Gel des loyers des passoires thermiques

La loi Climat et résilience propose d’aller plus loin que l’interdiction de la location. Depuis le 24 août 2022, les loyers des logements dont le DPE est classé F ou G ne peuvent plus être augmentés. Ce blocage concerne les nouveaux contrats de location, et progressivement les contrats en cours, en fonction de leur reconduction tacite ou de leur renouvellement. Il vise aussi les logements loués nus ou meublés aussi bien pour les nouveaux contrats que les contrats en cours, renouvelés ou tacitement reconduits à partir du 24 août 2022. Ainsi, le propriétaire ne pourra augmenter le loyer que si des travaux de rénovation énergétique permettent de sortir du statut de passoire thermique le logement (en obtenant l’étiquette E) et qu’il en justifie avec un nouveau DPE.

Ce dispositif se juxtapose avec celui de l’encadrement des loyers à la relocation en « zones tendues » (dont Grenoble) et à celui du plafonnement des loyers (dans 24 villes françaises en 2023, dont Lyon et Villeurbanne).

Quelles sanctions ?

Il est en réalité incorrect de parler « d’interdiction de louer ». La mise en location reste possible, mais expose le propriétaire à des recours ! À compter de 2025, si le logement loué ne respecte pas le seuil minimal de performance énergétique, le juge saisi par le locataire pourra contraindre le propriétaire à faire les travaux nécessaires, réduire le loyer et octroyer des dommages et intérêts.

Si les sanctions s’appliquent sans contestation possible lorsqu’un logement ne respecte pas un seuil de performance énergétique entré en vigueur avant la signature du bail, les locataires déjà en place peuvent-ils se prévaloir des nouveaux seuils à respecter ?

La performance énergétique étant désormais un critère de décence, on peut penser que le locataire pourra s’en prévaloir en cours d’exécution du bail. Les travaux de rénovation énergétique ne doivent donc pas être effectués à l’entrée en vigueur des seuils, mais de manière anticipée.

Dans certaines situations, le propriétaire pourra échapper à l’obligation d’effectuer des travaux de rénovation énergétique :

– En copropriété, lorsqu’il n’a pu atteindre le niveau de performance énergétique minimal, alors qu’il a fait diligence pour faire voter la réalisation de travaux sur les parties communes ou les équipements communs et qu’il a réalisé des travaux dans les parties privatives de son lot privatif.

– Lorsque le logement est soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales particulières, empêchant d’atteindre la performance minimale malgré des travaux compatibles avec ces contraintes.

Les stratégies à adopter

L’ensemble des nouveaux dispositifs et les enjeux de l’indispensable transition écologique imposent de considérer la « valeur verte » des logements. La valeur d’un bien est ainsi de plus en plus corrélée à ses performances énergétiques. Dans leurs plans de financement et leurs négociations, les investisseurs immobiliers doivent impérativement les prendre en compte, tant au stade de l’acquisition que des rénovations à envisager en vue de la location.

Aussi, un DPE nouvelle formule, postérieur au 1er juillet 2021, est devenu plus qu’une précaution pour le candidat acquéreur puisque le mode de calcul conduit à ce que certains logements se trouvent mieux classés que précédemment et d’autres moins bien classés ! Pour les logements F et G, la banque peut conditionner l’octroi du prêt à l’engagement de réaliser des travaux d’économie d’énergie. Pour les acquéreurs d’une maison classée F ou G : ils sont mieux informés en raison de l’obligation de fournir un audit énergétique depuis le 1er avril 2023, qui accompagne l’acheteur dans ses travaux de rénovation énergétique.

Pour les propriétaires déjà bailleurs, la réalisation d’un DPE nouvelle formule peut s’avérer utile pour se préparer aux futures échéances de travaux de rénovation. Pour les biens en copropriété, il conviendra de faire porter à l’ordre du jour la question de la réalisation d’un audit énergétique, puis de la réalisation de travaux sur les parties communes (isolation de la toiture, des murs, modification des modes de chauffage, etc.).

Se pose alors la question du financement de ces travaux. L’État a mis en place divers mécanismes d’aides dont la complexité peut être rebutante et la mise en œuvre malheureusement source de contentieux, notamment au sein des copropriétés. Un sujet aussi vaste que celui de l’efficacité de ces nouvelles obligations et des risques pour le marché, qui seront très certainement traités dans ces pages.

Par Me Pierre-Marie Dejean, avocat au Barreau de Grenoble.

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