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Publié le , rédigé par Me Jean-Luc Médina

Très connus des habitués du droit des baux commerciaux, le droit d’option et le droit de repentir, prévus aux articles L145-57 et L145-58 du Code de commerce, sont méconnus par un certain nombre de praticiens et des juridictions elles-mêmes, la cour d’appel de Grenoble ayant encore récemment ignoré l’existence et compris le mécanisme du droit d’option (cour d’appel de Grenoble, arrêt du 1er avril 2021 n° 18/1606).

Le renouvellement d’un bail constitue un nouveau contrat dont les clauses et conditions sont calquées sur l’ancien. Une définition générale figure à l’article 1214 du Code civil : « Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée ». En matière de bail commercial, la définition est la même, sauf en ce qui concerne la durée, puisque l’article L145-12 du Code de commerce précise qu’elle est de neuf ans, sauf accord des parties pour une durée plus longue.

Il résulte d’une jurisprudence constante que le renouvellement d’un bail commercial intervient aux mêmes clauses et conditions que celles du bail expiré, et qu’aucune juridiction n’a le pouvoir de les modifier, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation du prix du loyer.

Il est fréquent, à l’échéance d’un bail, que le bailleur fasse délivrer un congé avec offre de renouvellement souhaitant une augmentation du loyer dans le cadre d’une éventuelle tentative de déplafonnement.

L’article L145-57 du Code de Commerce prévoit alors que pendant la durée de l’instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien dans l’attente de voir le juge saisi (dans le délai de prescription de deux ans) et statuer.

Possibilité de changer d’avis

Lorsqu’il est saisi et dès lors que le juge des loyers commerciaux rend sa décision, dans le délai d’un mois qui suit la signification de cette décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci.

Il est donc possible de changer d’avis jusqu’à la fin d’un délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive fixant le loyer.

En effet, le locataire peut estimer que le loyer est trop important et insupportable.

De même, le bailleur peut, si le loyer n’est pas augmenté comme il le souhaite, procéder à un refus de renouvellement en payant une indemnité d’éviction en espérant pouvoir mieux rentabiliser son patrimoine par la suite.

Mais si, à l’issue de la procédure fixant l’indemnité d’éviction, celle-ci paraît trop importante pour le bailleur, celui-ci a la faculté, dans des délais prévus par la loi, d’exercer son droit de repentir et de revenir sur sa décision de refus de renouvellement.

Il s’agit donc des mécanismes du droit d’option et du droit de repentir.

La période qui s’écoule entre le congé délivré par le bailleur et la décision définitive du juge est donc une période trouble où le renouvellement du bail n’est pas totalement consolidé, puisque chacune des parties peut estimer devoir sortir des relations contractuelles.

En matière de droit d’option, une fois que le montant du loyer est purgé par la procédure devant le juge des loyers commerciaux (qui doit être saisi rappelons-le dans le délai de deux ans prévu à l’article L145-60 du Code de commerce), le bail est enfin consolidé avec son nouveau loyer.

Dans l’espèce qui a intéressé la Cour de cassation dans son arrêt « révolutionnaire » du 11 janvier 2024, le bailleur avait fait délivrer une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, sans même songer à modifier le loyer. Il s’agissait ici d’un bail concernant un local commercial à usage de restaurant.

Censure de la Cour de cassation

Le bailleur souhaitait simplement modifier la contenance des lieux loués et accroître les obligations d’entretien des locataires.

Le bailleur a profité de la délivrance du congé avec offre de renouvellement du bail (acte des plus banals) pour tenter d’ajouter au bail cette exigence d’entretien.

Les locataires ont alors restitué les lieux loués et ont assigné le bailleur en paiement d’une indemnité d’éviction.

La cour d’appel de Bordeaux avait estimé que les modifications contenues dans le congé avec offre de renouvellement exprimaient une offre de régularisation d’un nouveau bail et ne pouvaient s’analyser en un congé sans offre de renouvellement.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt au visa de l’article 1103 du Code civil.

La Cour de cassation rappelle que le renouvellement d’un bail commercial doit s’opérer aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir du juge en matière de fixation du nouveau loyer.

Elle considère qu’un congé avec offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix du loyer, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à une indemnité d’éviction et que dès lors en l’espèce que les locataires avaient quitté les lieux, il était impossible au bailleur de faire jouer le droit de repentir prévu à l’article L145-58 du Code de commerce.

Cette décision constitue une révolution en matière de droit des baux commerciaux.

En effet, souvent les bailleurs, au-delà du prix du loyer, sont tentés de proposer d’autres modifications du bail.

Personne à ce jour ne se rend compte de l’impact de ces modifications proposées qui peuvent d’ailleurs être anodines.

La solution de la Cour de cassation devrait inciter le bailleur, qui, à l’occasion du renouvellement, souhaite modifier des clauses et conditions autres que le loyer, à en informer le locataire autrement que dans l’acte destiné à renouveler le bail, afin de rester maître des conséquences attachées à l’échec éventuel des négociations.

La situation est également gravissime pour le locataire : ainsi, en présence d’un tel congé s’interprétant comme refusant le renouvellement, le locataire qui n’aurait pas agi dans un délai de deux ans pourrait se trouver privé de toute possibilité de demander une indemnité d’éviction.

Il y a donc lieu pour les praticiens d’être particulièrement attentifs à la rédaction des congés avec offre de renouvellement et de réfréner au possible les revendications souvent légitimes des bailleurs.