Skip to main content

Le jeune barreau était à l’honneur, le 11 juin dernier. Quatre de ses représentants concourraient pour le prix Abecassis 2019. Un concours d’éloquence qui illustre la verve – et les convictions – des jeunes avocats.

Elle avait engagé sa plaidoirie par un constat simple : « Lyon sera toujours la banlieue de Grenoble » – non dépourvu, peut-être, d’une pointe d’humour. Est-ce là ce qui a permis à Charlotte de Neeff d’emporter les faveurs du jury du prix Abecassis ? Toujours est-il que c’est à elle qu’il reviendra de s’exprimer au nom de ses pairs lors de la rentrée solennelle du barreau de Grenoble, le 28 juin prochain.

Charlotte de Neeff, prix Abecassis 2019.

C’est en effet maître de Neef que le jury a désigné comme la meilleure oratrice de la soirée. Quatre candidats étaient en lice. Ils devaient plancher sur une question : « peut-on juger sans juges ? » Interrogation plus d’actualité qu’il n’y paraît. Marine Bichet évoquait ainsi les récentes réformes de la justice qui font la part belle aux procédures alternatives à l’intervention du juge. Sans oublier ce qui fait l’actualité des conversations dans le monde judiciaire, l’arrivée annoncée de l’intelligence artificielle dans les prétoires. Le pouvoir des robots, en somme.  « Un juge numérique qui juge en fonction des données qu’il aura ingérées, c’est-à-dire des jugements du passé », relevait Eïtan Carta-Lag.

Le jury et un public nombreux venus entendre les plaidoiries des quatre prétendants.

D’autres alternatives au juge ? Le tribunal arbitral, par exemple. Non sans une pointe de malice, Grégoire de Petiville convoquait à la barre les arcanes de l’affaire Tapie. Pour y puiser une morale, celle de la force de la ruse et de l’argent. Sinon, il reste les ordalies moyenâgeuses. L’époque où survivre à la torture témoignait d’une assistance divine au prévenu qui, par suite, l’innocentait. « Efficace et peu coûteux, en ces temps d’austérité, un excellent moyen de contenir le budget que l’État consacre à la justice », estimait Charlotte de Neeff.

Les quatre candidats au prononcé du verdict.

On aura compris que les quatre jeunes avocats ont su trouver les accents d’une ode à la gloire des magistrats. Des femmes et des hommes de chair et de sang, qui rendent une justice humaine, une justice qui évolue avec la société, qui se confronte avec les nécessités de son temps. Sans eux, nous assisterions à « une régression de la civilisation des Lumières », s’exclamait Grégoire de Petiville.  « Laissons au juge, au bénéfice du doute, d’être le moindre mal de la justice », concluait Charlotte de Neeff.

Marine Bichet.

L’actualité tout comme l’intemporalité du thème choisi n’enlevait rien au devoir d’éloquence des candidats. Car le prix Abecassis est aussi un prix qui rend hommage à la capacité de conviction de jeunes avocats. Et l’humour rythmait la soirée. « J’ai compris, cette question n’est là que pour nous contraindre à défendre les juges », commentait Eïtan Carta-Lag. Figure de style parfois difficile en avocature…

Eïtan Carta-Lag.

A l’issue de plaidoiries toutes saluées par de chaleureux applaudissements d’une salle qui avait fait le plein, le jury s’est retiré pour délibérer. Une assemblée qui avait toute qualité à rendre un verdict équilibré, tant sur la forme que sur le fond des prestations qui lui était présentées. Il était en effet composé des membres du conseil de l’ordre et des anciens lauréat du prix, mais également du bâtonnier David Roguet,  de Corinne Lemariey, secrétaire générale de l’ordre, Benoit Bouy, chroniqueur judiciaire au Dauphiné Libéré, de Michel Farge, enseignant chercheur à l’université et de Jacques Dallest, procureur général près la cour d’appel de Grenoble.

On connaît la suite : maître Charlotte de Neef est désormais prix Abecassis 2019.

A lire également, une histoire du prix Abecassis

Grégoire de Petitville.

Charlotte de Neeff lors de sa plaidoirie.

Les membres du conseil de l’ordre faisaient partie du jury.