La rentrée solennelle du barreau, comme son nom ne l’indique pas, vient au terme de deux ans de mandat du bâtonnier sortant. Une responsabilité qui n’est pas renouvelable : le bâtonnier n’a pas la possibilité de se présenter à sa succession. C’est dire qu’une rentrée solennelle prend naturellement des allures de bilan de mandat. Et de quel mandat, s’agissant d’Evelyne Tauleigne.
Lors de son allocution, devant le barreau rassemblé ce 26 novembre dans l’amphi de l’espace 68 d’Alpexpo, elle rappelait les conditions de sa prise de fonction : le 6 janvier 2020, les avocats étaient en grève pour la défense de leur régime autonome de retraite. Un mouvement qui devait durer jusqu’au 13 mars, juste de quoi enchaîner avec le confinement. Et une pandémie qui n’est pas encore derrière nous, à l’heure où Evelyne Tauleigne va quitter ses fonctions au 31 décembre.
Ajoutons à cela, comme si la coupe pleine en redemandait pourtant, les protestations récentes de la profession face à la remise en cause de l’intégrité du secret professionnel, ou encore le projet un temps sur la table de limiter à mille mots les conclusions déposées par la défense… dans ce contexte, la décision prise au palais de justice de fermer la bibliothèque des avocats ou la fermeture de la coopérative du barreau pourraient passer pour anecdotiques.
2020, 2021, deux années au cours desquelles il a fallu tenir la barre. Mais Evelyne Tauleigne veut garder d’autres souvenirs. Celui de la solidarité de la profession, par exemple, lorsqu’il s’agit de collecter des denrées de première nécessité au bénéfice des étudiants. De la création du Centre des avocats médiateurs en Isère, au service des justiciables. De l’avancée dans la dématérialisation des procédures de justice. De l’efficacité des personnels de la maison de l’avocat, lorsqu’il a fallu informer le barreau, presque heure par heure, des modalités de fonctionnement du service public de la justice en périodes de confinement, de semi-confinement, de réouverture mais pas vraiment… Et aussi, parce que la vie ne s’enferme pas dans les dossiers en cours, de la victoire du barreau de Grenoble à la Juris’cup, une compétition nationale de voile ouverte aux professions juridiques, qui se déroule à Marseille.
De belles satisfactions en des moments chaotiques auxquelles Evelyne Tauleigne ajoute une citation de René Barjavel : « Quand on se croit obligé d’exprimer sa gratitude, on perd la moitié de sa joie ». Gratitude, c’est ce sentiment à l’endroit de la bâtonnière sortante qu’exprimaient plus tard dans la soirée Pascal Eydoux, ancien président du Conseil national des barreaux, Jean-Yves Balestas et Sylvia Rizzi, qui succéderont le 1er janvier à Evelyne Tauleigne en qualité de bâtonnier et vice-bâtonnière.
Mais une rentrée solennelle, c’est un événement aux facettes multiples, qui allie la réflexion à la convivialité.
Au chapitre de l’avenir de la profession, on pouvait entendre la plaidoirie de la jeune avocate lauréate du prix d’éloquence du barreau, le prix Abécassis. Maître Albane Miran réfléchissait à haute voix sur le thème de l’immunité de la défense. Mise à mal par les atteintes au secret professionnel ? Par l’indigence dont souffre une justice cruellement privée de moyens ? Par la virulence de réseaux sociaux où l’on confond parfois la défense de l’homme et celle du crime qu’il a commis ? Plaidoirie vive et convaincante qu’Albane Miran concluait avec la foi de sa jeune entrée dans la profession : la défense, les avocats, continueront à exercer leur métier au service de tous les justiciables pour peu qu’ils restent solidaires. Une immunité collective de la défense, en somme.
Réflexion également, dans un tout autre domaine, celui de l’intelligence émotionnelle. Le conférencier Régis Rossi était là à la manœuvre. Pour inviter les avocats venus l’entendre à prendre un moment de hauteur de vue sur les relations interpersonnelles qui font leur quotidien, avec leurs clients ou leurs collaborateurs. De l’importance du sourire, du respect, de la confiance, de l’écoute… et quelques belles démonstrations pour en marquer tout à la fois l’efficacité et une pratique qui peut sans doute se développer. C’est qu’un enfant sourit 400 fois par jour et un adulte… vraiment beaucoup moins.
Cette invitation au sourire, disons-le, était entendue. La soirée s’est achevée dans le grand salon de l’espace 68, en musique et conversations.
Et nombre de participants sont repartis riches d’au moins une découverte : celle de la voix et du talent musical d’Evelyne Tauleigne.