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Les avocats grenoblois ont marqué de leur présence la rentrée solennelle de la cour d’appel de Grenoble. Ils entendaient marquer ainsi leur opposition résolue à la réforme de leur régime autonome de retraite.

Impressionnant. Quelque deux cents avocats le long de la salle des pas perdus du palais de justice de Grenoble. Robe aux pieds, en silence. Et portant un panneau affichant sobrement : « avocats en grève ».

Près de deux cents avocats, robe à terre, en silence.

L’ambiance de la rentrée solennelle de la cour d’appel était décidément particulière, ce 17 janvier. Tout comme était inhabituelle, à Grenoble, la décision prise par la Première présidente de la cour d’appel, Pascale Vernay, de donner la parole à la fin de cette audience à maître Evelyne Tauleigne, bâtonnier du barreau – dont on trouvera ici le texte de l’allocution. Une audience dont Evelyne Tauleigne ne demandait pas le renvoi, « à rebours de ce que nous faisons quotidiennement depuis quinze jours », disait-elle dans un sourire. Moment d’humour qui laissait rapidement place à la gravité de la situation. « Ce mouvement, comme toutes les grèves, perturbe gravement et durablement nos juridictions », avait constaté la Première présidente à l’ouverture de l’audience. De fait, la grève des avocats implique leur refus de plaider et donc des demandes de renvoi répétées lors que chaque procès. Demandes généralement accueillies favorablement par les magistrats, ce qui diffère d’autant le rendu de la justice.

Le bâtonnier des avocats de Grenoble a exposé les raisons de la mobilisation d’une profession.

Ce qui est en cause, c’est bien sûr la volonté gouvernementale de faire disparaître le régime de retraite des avocats. Maître Tauleigne expliquait dans le détail pourquoi cette perspective est ressentie comme une agression par la profession. Régime solide, qui compte cinq cotisants pour un pensionné, dans une profession en croissance régulière de 2,5% par an, et dont le nombre – 70 000 au niveau national – reste très inférieur – dans sa proportion au nombre d’habitants – à ce que l’on connaît dans les pays voisins de la France. Un régime, par conséquent, excédentaire jusque dans les années 2080, ont calculé des experts. Un régime indépendant, en phase avec l’ADN de la profession, cette promesse d’indépendance qui figure dans le serment que prête chaque avocat avant de pouvoir plaider. « Cette grève est notre unique moyen d’exprimer notre désarroi, elle gêne les juridictions et les justiciables; et elle est préjudiciable à nos cabinets mais beaucoup moins que l’application de cette réforme que nous n’avons pas voulue. » Le projet prévoit en effet une augmentation sensible des cotisations sociales assortie d’une baisse conséquente du niveau des pensions versées.

Jacques Dallest, procureur général près la cour d’appel de Grenoble.

Cette prise de parole avait été précédée par le déroulement traditionnel d’une audience de rentrée solennelle. Jacques Dallest, procureur général, comme Pascale Vernay insistaient tour à tour sur le caractère insupportable des violences conjugales et de leurs conséquences, jusqu’au « féminicide » – la Première présidente revendiquait l’emploi du terme. Dans le ressort de la cour d’appel – les départements de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes – trois femmes sont mortes sous les coups de leurs compagnons. Tandis que 23 crimes de sang ont été commis – le procureur général évoquait des faits de grands banditismes à Valence mais aussi la banalisation « du couteau dans la poche » à l’origine de trop de drames.

Pascale Vernay, Première présidente de la cour d’appel de Grenoble.

En tant de Première présidente de la cour, Pascale Vernay s’attachait à décrire un fonctionnement rendu complexe par les réformes en cours tout en soulignant l’intérêt d’une simplification de l’accès à la justice qui constitue la motivation affichée de la création des tribunaux judiciaires. Elle n’en insistait pas moins sur la difficulté que constitue – pour lutter contre le sentiment d’impunité ou la perception de l’efficacité du service public – l’insuffisance des moyens dont souffrent les tribunaux. En accueillant les douze nouveaux magistrats arrivés à Grenoble depuis septembre, elle se félicitait de ce plein effectif que n’avait pas connu les juridictions grenobloises depuis quelques années et relevait que cette situation « contraste avec les moyens du greffe » dont 20% des postes demeurent non pourvus.

Cette audience de rentrée était également mise à contribution pour installer neuf nouveaux juges consulaires qui ont prêté serment et siègeront désormais au tribunal de commerce.

Une audience qui restera marquée par l’imposante manifestation des avocats du barreau de Grenoble.

Elus et représentants des corps constitués n’ont pu manquer de noter l’importance de la mobilisation des avocats.