Les ateliers juridiques organisés par la commission entreprises du barreau de Grenoble se sont déroulés le 28 mars. Huit ateliers étaient proposés aux dirigeants d’entreprise. Une soirée qui aura permis de disposer d’une information juridique délivrée par des avocats spécialisés et de dresser une perspective d’évolution des possibilités actuelles de la gestion des ressources humaines.
Les ateliers juridiques de l’entreprise sont désormais solidement installés dans la paysage grenoblois. En témoigne le succès de la deuxième édition de cette manifestation qui se déroulait dans les locaux de la maison de l’avocat.
C’est que la formule a de quoi séduire. Elle est simple : donner la possibilité à des dirigeants d’entreprise d’approfondir un point de droit, avec des avocats spécialisés, susceptibles de répondre à des questions précises.
Cette année, les huit ateliers portaient sur quatre thèmes : l’entreprise et le numérique, les stratégies de développement, la gestion de la crise de l’entreprise et l’humain comme vecteur de réussite. Où l’on a pu évoquer la protection des marques, les sites internet, l’augmentation d’un capital social, le développement à l’international, les garanties juridiques de protection du patrimoine du créateur d’entreprise, le contrôle fiscal et le droit à l’erreur, la gestion des données personnelles du salarié et ses perspectives de mobilité internationale.
Des thèmes choisis par les organisateurs de la commission entreprise du barreau grâce aux contacts qu’ils entretiennent avec les milieux économiques : les questions abordées se posent dans le quotidien de la vie de l’entreprise.
Comme l’an dernier, à l’issue de ces huit rencontres d’information spécialisée, une conférence était organisée, cette année sur le thème des aspects nouveau de la contribution à la création de valeur : « les formes nouvelles de collaboration en entreprise : télétravail, portage salarial, management de transition ».
Pour la circonstance, maître Diane Mazoyer, présidente de la commission entreprise du barreau et animatrice de la soirée aux côtés de maître Pascale Le Marois, avait invité les dirigeantes des sociétés Alegria et RH solutions, ainsi que Gilles Granier, manager de retournement. L’échange portait sur les nouvelles relations contractuelles aujourd’hui possibles entre un salarié et une entreprise.
Alegria est une société de gestion des ressources humaines. Elle assure l’ensemble de la fonction pour de petites entreprises et intervient sur certains aspects pour des sociétés plus importantes : formation, recrutement, organisation du temps de travail… « Nous travaillons souvent en lien avec les conseils juridiques des entreprises, relevait Nathalie Lopez, cheffe de l’entreprise Alegria, nous connaissons le droit mais nous ne le maîtrisons pas ». L’un des volets sur lesquels intervient Alegria est l’organisation du télétravail, « souvent une demande des salariés plus que des entreprises ». Alegria a ainsi rédigé une charte du télétravail qui permet de définir les possibilités de sa mise en œuvre… où les circonstances qui le rendent impossible à mettre en place. « Ce qui nous permet de débattre sur des bases factuelles, plutôt que sur des a priori ; il reste que la pratique du télétravail et notamment les modalités de son contrôle implique généralement une évolution des relations humaines dans l’entreprise. »
Christine Rey, pour RH solutions, évoquait une forme tripartite de la relation contractuelle entre un salarié et l’entreprise qui l’emploie : le portage salarial. Le salarié propose une prestation à une entreprise, comme un travailleur indépendant. Cette prestation est réglée par l’entreprise cliente à RH solution qui, elle-même, salarie le prestataire et lui verse une rémunération en fonction du coût facturé de la prestation. « Nous assurons ainsi toute la partie administrative qui resterait à sa charge s’il était indépendant, commentait Christine Rey, et le salarié « porté », c’est l’expression consacrée, bénéficie des dispositions protectrices du statut de salarié ; autre avantage important, il n’est pas seul, nous assurons les échanges entre tous nos salariés. » Ce que confirmait Olivier Guichon, ingénieur, « salarié porté », justement : « Je peux me consacrer pleinement à ma relation avec mes clients et aux missions qui me sont confiées ». Le portage salarial est généralement vu comme un premier pas vers la création d’entreprise : Olivier Guichon est suffisamment satisfait de la formule pour l’utiliser depuis douze ans. Christine Rey insistait cependant sur un point : « Le portage salarial ne s’adresse pas à tout le monde ; il suppose des salariés très autonomes et dont le haut niveau de compétences leur permet une relation directe avec leur clientèle. »
Autre façon d’aborder la relation à l’entreprise, celle du « pompier volant ». Autrement dit le « manager de retournement », métier également dénommé « manager de transition » : un salarié dont le talent est celui de la capacité à diriger une entreprise et de la diriger dans une situation de crise ou, à tout le moins, d’évolution indispensable. Ce manager lui permettra de prendre les virages indispensables à sa pérennité et à sa croissance. C’est le métier qu’exerce Gilles Granier, ingénieur de formation, après avoir travaillé dans une groupe groupe puis une PME. « Quand j’arrive, je vois immédiatement là où il faut bouger et ma mission consiste à emmener l’entreprise et ses salariés sur un nouveau chemin », dit-il. Là, pas de nouveau statut : le contrat à durée déterminée suffit comme cadre à cet exercice professionnel. Mais un impératif : « Pour faire ce travail, il faut aimer les gens », souligne-t-il.
Alors, nouvelle relation à l’entreprise, nouveaux statuts ? Diane Mazoyer dressait les contours de cette démarche émergente. « Ce que j’appelle faute de mieux un troisième statut entre salariat et travailleur indépendant se cherche : la cour d’appel de Paris est venue nous rappeler que le salariat est constitué lorsqu’existe un lien de subordination et elle a requalifié des contrats de prestataires de plateforme en contrats salariés. » Une réflexion européenne est en cours avec l’objectif de l’adoption d’une directive encadrant les dérives de l’ubérisation tandis que l’Organisation internationale du travail a produit en janvier dernier un rapport sur le sujet. Maître Pascale Le Marois rappelait qu’il existe désormais une appellation pour ces salariés qui sont des travailleurs indépendants sans être ni l’un ni l’autre : « Ce sont des indépendants dépendants économiquement », ces livreurs qui peuvent être déconnectés de la plateforme et perdre ainsi toute activité et rémunération sans autre forme de procès. Or, l’un des facteurs qui établit la subordination du salarié est le lien économique.
Dans ces conditions, les nouvelles formes de travail ne sont-elles qu’un salariat privé de ses droits ?
Ce serait très réducteur : elles correspondent à une quête des salariés. « Aujourd’hui, on aspire à une relation moins contraignante avec l’entreprise ; les entreprises sont elles-mêmes en demande de talents nécessaires à leur développement et travaillent à établir des solutions contractuelles qui permettent de répondre à ce souhait », soulignait Diane Mazoyer. Le télétravail ou le portage salarial, mis en œuvre avec des sociétés spécialisées dans la gestion des ressources humaines, constituent parmi d’autres des solutions émergentes pour aller dans cette direction.
La soirée s’est achevée par un cocktail au cours duquel les échanges ont pu se poursuivre.