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La présidente du Conseil national des barreaux s’est entretenue le 31 janvier avec les avocats grenoblois. Au menu, les contenus du projet de loi justice du gouvernement.

« Ce qui nous inquiète notamment, c’est cette réponse qui nous revient presque systématiquement: ‘nous réglerons ce problème lors de la rédaction des décrets. » Christiane Feral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, rencontrait les avocats grenoblois le 31 janvier dernier dans une salle du palais de justice. Avec des informations toutes fraîches: elle participait la veille à une réunion au Sénat pour faire point sur le processus d’adoption du projet de loi justice. L’examen du texte est aujourd’hui en commission de conciliation entre l’Assemblée nationale et le Sénat et le vote finale de l’Assemblée nationale est prévue le 13 février.

Christiane Feral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux.

« Nous demandons la suspension de cette procédure d’adoption, indiquait la présidente du CNB, il nous semblerait logique qu’en pleine période grand débat national, on puisse prendre le temps d’examiner les questions soulevées par le projet gouvernemental ». Pour l’heure, c’est un refus qui est opposé par les pouvoirs publics aux institutions représentatives des avocats.

Car les points de désaccords entre le gouvernement et l’ensemble des professions juridiques demeurent nombreux. Avec cette précision: « il est clair pour nous, comme je crois pour l’ensemble des professions juridiques que la justice ne peut pas rester en l’état; la réforme, nous y sommes favorables ».

La réunion s’est déroulée dans une salle du palais de justice, la maison de l’avocat ayant de longue date été réservée pour un colloque.

Mais pas au prix du reniement de ce qui fait l’essence du métier d’avocat. « Prenons la question des plateformes numériques juridiques, expliquait Christiane Feral-Schuhl en prenant cet exemple, cela pose le problème de la collecte des données, de la définition de l’algorithme qui les traitera… c’est pourquoi nous demandions que ces plate-formes soient labellisées, de sorte que l’on ait des garanties d’égalité; or la chancellerie propose des plateformes certifiées, mais cela de façon facultative ». Ces nouveaux outils utilisés dans ces conditions, « c’est une privatisation de la justice avec d’ores et déjà sur les rangs des assureurs ou des éditeurs juridiques, sans les garanties qu’offre la profession réglementée d’avocat ». D’une manière générale, « ce qui nous préoccupe, c’est l’absence de toute réflexion sur les conditions de l’accès au droit pour les justiciables », commentait Christiane Feral-Schuhl.

Arnaud Adelise, Christine Feral Schul, le bâtonnier Roguet et le bâtonnier Wilfrid Samba Sambeligue. Les élus au Conseil national des barreaux ont pu en expliquer le fonctionnement.

Lors du débat qui s’est instauré avec les avocats présents dans la salle, le président Pascal Eydoux illustrait une autre inquiétude du monde judiciaire, celle de la spécialisation des chambres. Certains tribunaux seraient compétents pour juger de contentieux particuliers, dans tout le pays. « La ministre de la Justice, indiquait Pascal Eydoux, aimait à prendre en exemple la spécificité des accidents de montagne pour estimer que toutes les cours n’étaient pas armées pour avoir à connaître de ce type de contentieux; et voilà qu’on nous indique quelque temps plus tard que les baux d’habitation posent aussi des problèmes spécifiques qui devraient être traités de façon particulière ». Comme si les baux d’habitation n’étaient pas traités par tous les tribunaux. La crainte des avocats et des magistrats, c’est de voir apparaître des juridictions dévitalisées.

Pour autant, la présidente du Conseil national des barreaux ne baisse pas les bras. Elle se félicite des reculs – « même si c’est à la marge », reconnaît-elle – après les mobilisations dont les deux manifestations parisiennes (7 et 8000 avocats) ont témoigné de l’ampleur, mais elle constate: « nous sommes face à un rouleau compresseur ».

Quoiqu’il en soit, les avocats continueront à faire entendre leur voix dans les débats qui s’annoncent, à commencer par la réforme de l’aide juridictionnelle. Ils le feront avec d’autant plus de détermination qu’il préparent les Etats généraux de l’avenir de la profession, un processus de consultation des avocats initié par le Conseil national des barreaux qui va déboucher sur des propositions de réforme élaborées et soutenues par la profession. « Nous allons disposer de propositions unanimement soutenues et c’est avec ce bagage que nous pourrons débattre avec le ministère de la Justice. » Celui-là, ou le suivant.

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