« La médiation n’est pas une alternative à la justice mais une alternative au procès ». Le bâtonnier David Roguet, dès l’ouverture du colloque qui s’est déroulé le 7 février à la maison de l’avocat, situait l’enjeu de cette mutation majeure de la justice : la tentative de réconciliation plutôt que l’approfondissement du conflit.
Une préoccupation ancienne. Philippe Charrier, sociologue à l’université Lumière de Lyon, rappelait ainsi que les travaux préalables à la rédaction du Code civil de 1906 prévoyaient le procès comme le recours ultime, lorsque toutes les tentatives de solution avaient échouées. La culture juridique en a depuis décidé autrement.
Aussi la rencontre de ce 7 février, organisée par l’ordre des avocats de Grenoble, le Centre de recherche juridiques de l’université Grenoble Alpes en partenariat avec le centre de médiation de Grenoble que gère la CCI, avait-il pour objet de dresser un état des lieux de la pratique de la médiation aujourd’hui. Trois tables rondes étaient proposées: « La médiation : la réponse adaptée aux besoins d’aujourd’hui », « Performance économique et juridique de la médiation », « Enrichissement de l’expertise des praticiens du droit ».
Tour à tour, avocats, chef d’entreprises et enseignants chercheurs ont pu faire par de leurs expériences. Les avantages des différents processus de médiation sont désormais mieux connus : rapidité par rapport à une procédure devant un tribunal – sans être expéditif: ce mode de règlement des différends nécessite un débat approfondi entre les parties -, robuste quand à l’avenir des relations entre les parties en présence – il permet le plus souvent, que ce soit dans le domaine de la famille ou du droit commercial, qu’elles poursuivent leurs relations -, efficace quant à la solution dégagée – la décision prise est généralement pérenne.
Lors de ce colloque, les intervenants ont tout à la fois fait le point des avancées législatives et réglementaires qui facilitent le recours à ces procédures novatrices mais aussi des freins qui demeurent. La crédibilité des médiateurs souffre ainsi de l’absence d’une représentations unique de ces nouveaux acteurs de la justice. C’est aussi une question culturelle : « nous sommes formés au conflit, jusque dans le vocabulaire que nous utilisons: celui d’adversaires pour nommer la partie que nous considérons comme adverse », notait ainsi Corine Beaufour-Garaude, avocate médiatrice. La médiation suppose au contraire l’écoute, l’attention à ce que les parties intéressées au différend participent à l’élaboration de la solution : rien à voir avec les débats entre avocats auxquels les justiciables restent parfois étrangers.
Le président de la CCI, Jean Vaylet, indiquait que sur les 130 médiations réalisées par le Centre de médiation de Grenoble, 65% se sont conclues par un accord conduisant à la poursuite d’une relation commerciale. Une pratique nouvelle du règlement des différends qui fait son chemin.