Avocats et magistrats ont l’habitude de se croiser dans les prétoires. Dans la rue, c’est plus rare. Surtout revêtus de leur robe professionnelle, rouge pour les magistrats, noire pour les avocats. Ce fut le cas le 15 décembre, dans les rues de Grenoble. Et ils n’étaient pas seuls. Juges et avocats, mais aussi assistants juridiques, greffiers… Une rareté encore : syndicats de magistrats comme organisations d’avocats étaient unanimement représentés dans le cortège.
En somme, Laurent Desgouis, magistrat grenoblois et membre du Syndicat de la magistrature, était fondé à déclarer cette journée « historique ».
Le mouvement était national. Il faisait suite à la tribune publiée le 23 novembre 2021 par le Monde sous la signature de trois mille magistrats, après le suicide d’une magistrate dans le Nord. Appel transformé en pétition qui a recueilli 5200 signatures sur les neuf mille membres de la profession. Cet élan se traduisait dans la rue le 15 décembre, dans tout le pays.
A Grenoble, le cortège est parti du palais de justice en fin de matinée pour rallier la préfecture. Expression de professions à bout, des Codes ont été symboliquement déposés place de Verdun, face à la préfecture.
Les motivations de ce mouvement de fond ? Laurent Desbouis explique. « Il est insupportable de voir la manière dont la justice est rendue aujourd’hui à ceux qui en ont besoin », nous dit-il. Et d’ajouter que « nous ne pouvons plus rendre une justice dégradée, nous ne pouvons plus souffrir au travail et il nous faut les moyens humains qui nous permettent de travailler normalement et de redonner du sens à nos métiers, dans l’intérêt du justiciable ».
Place de Verdun, avocats et magistrats ont témoigné. De la difficulté à exercer leur métier lorsque des postes sont supprimés ou non pourvus, de la pression quotidienne résultant d’une conscience professionnelle qui pousse à faire l’impossible sans pouvoir y parvenir, de l’unique imprimante partagée par tout un étage du palais de justice ou de ces bureaux qui prennent l’eau… Et tous à leur tour s’accordaient à qualifier d' »historique » cette journée du 15 décembre, eu égard à l’ampleur de la colère unanimement exprimée.
Le rassemblement s’est achevé par la lecture de l’appel des acteurs de l’institution judiciaire et de celle de la motion de soutien de l’ordre des avocats du barreau de Grenoble.