La commission droit public du barreau de Grenoble et sa présidente, maître Sandrine Fiat, ont organisé le 13 juin un colloque sur les élus et le risque. Une journée de travail, marquée par la présence d’élus, de magistrats et d’avocats spécialisés pour aborder des questions complexes. La limite entre la nécessaire protection des personnes face aux risques naturels notamment et l’entrave au développement d’un territoire. Ou encore la mise en cause de la responsabilité des élus, parfois même à titre personnel, après la survenue d’un événement dramatique.
Une société qui réclame plus de transparence, parfois prompte à rechercher des responsabilités, quitte parfois à « confondre responsabilité et culpabilité », selon les mots du bâtonnier David Roguet à l’ouverture de la journée. Une journée consacrée aux élus face au risque. Risques naturels et de toute nature, risques juridiques, par suite. Car les maires et présidents d’intercommunalité peuvent être jugés personnellement responsables à la suite d’un accident… si tout n’a pas été fait dans les règles.
Les règles, justement, le préfet Lionel Beffre était là pou en parler. Car c’est l’État qui les fixe. « Nous avons progressé dans deux directions, disait-il, une meilleure connaissance du risque ainsi qu’une amélioration des prescriptions de prévention des risques ». De fait, le département de l’Isère est un de ceux qui peut être affecté par à peu près tous les risques naturels, « à l’exception de la submersion marine et de l’éruption volanique ». Sans oublier le risque technologique dont les usagers de l’autopont de Jarrie ont une expérience quotidienne.
Ce qui n’est pas sans poser nombre de questions. Christian Coigné, vice-président du conseil départemental mais surtout, pour la circonstance, maire de Sassenage, décrivait les effets du plan de prévention du risque inondation dans sa commune. « Nous avions un projet de construction de logements, il était bien avancé puisque nous avions procédé à l’acquisition des terrains pour une valeur de six millions d’euros, déplacé des installations sportives… et la zone a été classée inondable en 2015 : nous avons dû y réaliser des jardins partagés. » Le maire de Sassenage évoquait aussi cette zone industrielle implantée dans la plaine où toute extension des bâtiments est devenu impossible : « les entreprises ne peuvent se développer sur place et ont des difficultés à vendre des biens immobiliers en zone classée inondable, ce qui les empêche de se projeter sur d’autres sites ».
Ce à quoi les faits constatés opposent la réalité de bilans humains dramatiques de catastrophes naturelles. Plusieurs dizaines de morts à Vaison-la-Romaine, au Grand-Bornand, dans le Gard… « Les évolutions climatiques nous disent que cela se reproduira nécessairement, soulignait le préfet, avec des événements de type méditerranéen dans notre département ». Et toujours les avalanches, les éboulements, les glissements de terrain.
Face à cela, les élus ont donc l’obligation et la responsabilité de mettre en œuvre des mesures de protection. Dans l’aire de la métropole grenobloise, cela concerne par exemple l’entretien de 430 kilomètres de digues. Mais, à plus long terme, c’est l’urbanisation dans sa globalité qu’il est nécessaire de questionner. Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes métropole, évoquait ainsi le document cadre adopté par la métropole en 2017 qui décrit les mesures de prévention des risques dans le contexte du développement futur de l’agglomération. Un exemple : « nous devons envisager la construction de nouveaux quartiers en tenant compte de la direction de l’écoulement des eaux, de sorte que l’orientation des rues n’y fasse pas obstacle en cas d’inondation ». Exemple parmi beaucoup d’autres de réflexions et en cours pour limiter le risque, parmi lesquelles la densification de la construction : construire en hauteur réduit la consommation de surfaces au sol. Mesures de protection qui concernent également l’urbanisation existante : « avec les connaissances qui sont aujourd’hui les nôtres, certaines décisions d’aménagement n’auraient pas été prises », constatait le président de la métropole.
Des réflexions qui se traduisent dans l’élaboration des plans d’urbanisme – plans locaux à la dimension d’une commune et désormais plus souvent plans construit à l’échelle de l’intercommunalité, comme c’est le cas du dernier document élaboré par la métropole grenobloise qui en a la compétence. « Il est essentiel de travailler en concertation étroite entre les services de l’État et les collectivités, rappelait le préfet Beffre, c’est ainsi que nous parviendrons aux meilleurs dispositions ».
Toutes choses dont la justice peut avoir à connaître. A l’issue d’une première table ronde et des exposés de Lionel Beffre, Christophe Ferrari et Christian Coigné, la suite du colloque abordait les éléments techniques de la responsabilité des élus et de leurs éventuelles mises en cause. Étaient ainsi questionnés les modalités d’élaborations des plans d’urbanisme, les mesures à prendre face à un immeuble menaçant ruine, le risque en matière électorale, les modalités de passation des marchés publics, les risques psychosociaux et la gestion du personnel de la fonction publique.
« Ce qui est sûr, c’est que nous avons toujours davantage besoin des avocats », notait Christian Coigné. La complexité des dispositifs en vigueur comme des contradictions rencontrées sur le terrain impose en effet de… bétonner les décisions prises par les collectivités afin de « se tenir prêt ».