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Envisager la mise en fourrière de son véhicule, donne des sueurs froides à tout automobiliste tant la fourrière apparaît comme un lieu maléfique où l’automobiliste abandonne tout droit sur son bien si précieux et passe sous les fourches caudines d’un système ténébreux. Ces craintes sont malheureusement justifiées et croissent au fil des réformes diaboliques par leur complexité et leur champ d’application. Je vous propose de plonger quelques instants dans les limbes du système juridique de la fourrière.

QU’EST-CE QUE LA MISE EN FOURRIÈRE ET À QUEL MOMENT COMMENCE-T-ELLE ?

« La mise en fourrière est le transfert d’un véhicule en un lieu désigné par l’autorité administrative ou judiciaire en vue d’y être retenu jusqu’à décision de celle-ci, aux frais du propriétaire de ce véhicule. Elle commence quand deux roues au moins du véhicule ont quitté le sol, lorsque le transfert du véhicule vers la fourrière est réalisé au moyen d’un véhicule d’enlèvement ou au commencement du déplacement du véhicule vers la fourrière, quel que soit le procédé utilisé à cet effet ». (art. R325-12 CR).

Ainsi, dans le cadre du stationnement et du stationnement seulement, si le propriétaire arrive avant l’enlèvement de son véhicule, pas encore soulevé par le matériel de remorquage ou pas encore déplacé, il peut exiger la remise du véhicule et devra s’acquitter des frais relatifs au déplacement du véhicule d’enlèvement et du montant de la contravention liée au stationnement illicite. Si le véhicule a été soulevé ou déplacé, il peut le reprendre en payant les frais d’enlèvement eux-mêmes, outre le règlement de l’infraction.

Pour les autres cas, il conviendra d’attendre la décision administrative ou judiciaire de restitution ou de conservation du véhicule.

À QUEL MOMENT FINIT-ELLE ?

Elle s’achève par la mainlevée au jour de la délivrance de l’autorisation de sortie du véhicule restitué au propriétaire qui a réglé les frais et fourni le cas échéant la facture certifiant de l’exécution des travaux ou le récépissé du centre de contrôle technique agréé ou au jour de sa remise au service des Domaines ou à l’entreprise chargée de sa destruction.

Elle s’achève par l’avis de restitution du procureur de la République dans le délai de sept jours ou au-delà si la juridiction de jugement décide de relaxer le prévenu.

Pour tous les autres cas, elle s’achève soit par l’exécution de la mesure, soit par la destruction ou la cession par les Domaines.

COMMENT ÊTRE INFORMÉ DU PLACEMENT EN FOURRIÈRE ?

L’art. R 325-16 II CR offre des garanties. L’officier de police judiciaire ou agent de police judiciaire désigne la fourrière dans laquelle le véhicule sera transféré. Il dresse si possible contradictoirement en présence du propriétaire ou conducteur un état du véhicule. Il en remet le double à la personne présente et mentionne les raisons du placement, le retrait de la carte grise, le jour et l’heure.

Sur la base de ces éléments, la restitution pourra être sollicitée par requête au procureur de la République.

QUAND INTERVIENT-ELLE ?

Depuis la loi-cadre sur la mobilité du 24 décembre 2019, puis une ordonnance du 24 juin 2020 et enfin une loi du 24 janvier 2022, les circonstances de mise en fourrière se sont élargies, les conditions se sont assouplies et les délais de récupération ou de destruction se sont amoindris.

Essentiellement pour deux raisons :

Tout d’abord dans un souci répressif, le législateur entend pouvoir recourir de plus en plus aux services de la fourrière pour immobiliser, détruire ou céder le véhicule concerné aux Domaines.

Puis dans un souci économique, il entend voir réduire le coût de ces services à l’État (en 2019, 12 M€ versés aux fourrières par l’État) : en limitant les temps de garde du véhicule, il limite le coût de la mesure.

Les circonstances de mise en fourrière :

Le véhicule peut être emmené en fourrière dans trois cas particuliers :

– Art. L 325-1 Code de la route : sur initiative du maire ou OPJ quand le véhicule gêne la circulation ou le stationnement des autres usagers ou que le véhicule est réputé dangereux.

– Art L 325-1-1 CR : sur initiative OPJ ou APJ, après autorisation du procureur, quand un délit ou une contravention de 5e classe sont reprochés et quand la peine de confiscation est encourue pour cette infraction.

Le procureur dispose d’un délai de sept jours pour décider s’il rend le véhicule ou le conserve sous mains de justice. Passé ce délai, il doit le restituer au propriétaire qui devra payer les frais de garde.

– Art L 325-1-2 CR : quand l’OPJ ou APJ avec autorisation du représentant de l’État du département où l’infraction a été commise, quand les infractions jugées les plus graves au Code de la route ont été commises (les infractions susceptibles de confiscation ou pour grands excès de vitesse ou conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou sous stupéfiants ou refus de se soumettre ou refus d’obtempérer…).

Dans ce dernier cas, le procureur doit seulement être averti du placement en fourrière et sous un délai de sept jours, décide de restituer le véhicule au propriétaire ou de le conserver sous mains de justice à la fourrière.

Si l’auteur de l’infraction n’est pas le propriétaire du véhicule, l’immobilisation ou placement en fourrière doit être levée dans le délai de sept jours. Toutefois, les frais d’enlèvement et de garde sont à la charge du propriétaire. Si l’auteur est le propriétaire, le véhicule peut rester en fourrière jusqu’au jugement.

En tout état de cause, l’automobiliste devra réagir très rapidement. À défaut, son véhicule pourra faire l’objet de destruction.

PEUT-ON S’OPPOSER À LA MISE EN FOURRIÈRE ?

Sous réserves des dispositions envisagées plus haut (en cas de stationnement ou de restitution ou de relaxe), la décision de mise en fourrière et la conservation en vue de cession ou destruction est imparable.

Pour celui qui aurait l’idée saugrenue de s’y opposer, le Code de la route prévoit un délit passible de trois mois d’emprisonnement et 3 750 € d’amende (outre suspension judiciaire, travail d’intérêt général ou jours-amendes), outre un retrait de 6 points (art L 325-3-1 CR).

SOUS QUELS DÉLAIS RÉCUPÉRER SON BIEN ?

Si le véhicule est estimé à moins de 765 euros de valeur vénale, ou véhicule dangereux, le propriétaire a six jours pour aller le chercher ; au-delà, il sera détruit.

Si le véhicule est estimé à plus de 756 euros, le propriétaire dispose de quinze jours pour aller le chercher ; à défaut, il sera réputé abandonné (passé de 45 à 30, maintenant à quinze jours, ce bref délai suppose une grande réactivité du conducteur)

Au-delà, il ne peut plus le récupérer, sauf si le véhicule n’a pas encore été vendu par les Domaines et qu’il s’acquitte de tous les frais.

À la suite d’une infraction de rodéo ou refus d’obtempérer, le délai de récupération passe à sept jours. Passé ce délai, le véhicule est détruit.

DU PURGATOIRE AUX ENFERS, LE DÉLAI S’EST RÉTRÉCI !

Heureux possesseur d’un véhicule rutilant, il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. Soyez donc vigilants et informés de vos droits. À l’heure où les politiques prônent la disparition de l’automobile en ville et la diminution drastique des places de stationnement ; à l’heure où les politiques favorisent la mobilité douce, les portes de la fourrière pourront s’ouvrir dès demain aux EDPM (engins de déplacement personnels motorisés) ou autres vélos, vélos électriques désormais immatriculés. Force est de constater que la fourrière a de beaux jours devant elle.

Instrument de répression et de dissuasion, la menace de la mise en fourrière de son véhicule a quelque chose d’effrayant, sans doute liée à sa radicalité et à son symbole.

Devenue l’extension de nous-même et facteur de liberté, il n’est pas plus supportable d’imaginer son véhicule séquestré que celui d’être soi-même emprisonné. Raison doit être gardée.

Cela étant, il conviendra aux initiateurs d’une telle mesure (OPJ, APJ, préfet, procureur.) de ne pas confondre vitesse et précipitation et d’utiliser la mesure avec modération. À défaut, ne dit-on pas que « l’enfer est pavé de bonnes intentions » ?

Par Me Michèle Girot-Marc, avocat au Barreau de Grenoble.

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