Publié le , rédigé par Par Me Anne Przybyl
Une situation de séparation est souvent lourde à gérer affectivement et émotionnellement ; les aspects matériels ne viennent parfois que dans un second temps mais assez rapidement. Quel est l’impact de la fiscalité dans une séparation ou un divorce ? Quelles sont les bonnes questions fiscales à se poser ?
Quand fait-on « déclaration séparée » ?
Le fisc n’attend pas que le couple soit officiellement « dépacsé » ou divorcé pour demander le dépôt de déclarations séparées. En effet, les époux doivent chacun déposer leur propre déclaration d’impôt sur le revenu dans trois cas limitatifs fixés par le Code général des impôts.
Si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens (ou de la participation aux acquêts) et ne vivent pas sous le même toit, ils ont l’obligation de faire déclaration séparée et il n’a pas lieu de s’interroger sur la question de savoir si la rupture de la vie commune provient d’un dissentiment entre les époux ou d’une cause indépendante de leur volonté.
Si les époux sont en instance de divorce (ou de séparation de corps) et sont autorisés par le juge à avoir des résidences séparées, alors ils doivent faire déclaration séparée.
S’il y a abandon du domicile conjugal par l’un ou l’autre des époux et que chacun dispose de revenus distincts (professionnels ou patrimoniaux), il y a déclaration séparée.
À l’instar des couples mariés, les partenaires d’un Pacs sont, eux aussi, imposés séparément dans les deux situations suivantes :
– Lorsqu’ils sont placés sous le régime de la séparation de biens et qu’ils résident séparément ;
– Lorsque l’un ou l’autre des partenaires a abandonné le domicile commun et que chacun d’eux dispose de revenus distincts.
Pour les concubins, la règle de l’imposition par foyer ne s’appliquant pas, chacun est toujours imposable séparément où qu’en soit leur relation (règle valable pour l’impôt sur le revenu mais pas pour l’impôt sur la fortune immobilière).
L’imposition séparée s’applique de plein droit dès l’année de réalisation des conditions susvisées. Inversement, dès que l’une des conditions cesse d’être remplie en cours d’année, les époux ou partenaires (dont le mariage ou le Pacs n’est pas juridiquement dissous) sont de nouveau soumis à une imposition commune sur l’ensemble de leurs revenus. En outre, pour le fisc, même si les contribuables se séparent en cours d’année, ils seront considérés comme séparés pour l’ensemble de l’année.
Quels revenus et charges indiquer dans la déclaration séparée ?
Pour la déclaration séparée, chacun déclarera ses revenus personnels et sa quote-part des revenus communs lui revenant sur l’année entière. À défaut de justification de cette quote-part, les revenus communs sont réputés partagés en deux parts égales. Chaque contribuable peut déduire les charges qu’il a effectivement supportées et bénéficier des avantages fiscaux au titre des dépenses ou des investissements qu’il a réalisés au cours de l’année.
Qui mentionne les enfants dans sa déclaration ?
Les charges de famille sont celles existant au 1er janvier ou, si elles ont augmenté en cours d’année, au 31 décembre. Les enfants mineurs sont comptés à la charge d’un seul des parents, celui chez lequel ils résident à titre principal. Lorsque les parents se mettent d’accord sur la fixation du lieu de la résidence des enfants, ils doivent avoir à l’esprit que cela va avoir un impact sur leur quotient familial et donc le montant de leur impôt.
En cas de désaccord, le bénéfice de la majoration du quotient familial est attribué au parent qui a les revenus les plus élevés.
Si un juge intervient, celui-ci désignera le lieu où les enfants ont leur résidence à titre principal. En cas de résidence alternée, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l’un et de l’autre parent, sauf accord différent des parents. Cette présomption de répartition égale de la charge peut être écartée si l’un des parents établit qu’en réalité il assume principalement la charge des enfants.
Les enfants majeurs sont obligatoirement rattachés à un seul des parents.
Quel est le traitement fiscal d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire ?
Le parent, qui n’a pas pu compter à charge les enfants et verse une pension alimentaire pour leur entretien, pourra déduire cette pension de son revenu imposable. Cette pension sera taxable chez le parent qui la reçoit et chez qui est rattaché l’enfant. Quant à la prestation compensatoire éventuellement versée par un contribuable à son ex-conjoint pour compenser une disparité entre eux de leurs conditions de vie, celle-ci obéit à un régime fiscal différent selon qu’il s’agit d’une rente (déductible chez le débiteur et taxable chez le créancier) ou d’un capital (droit à réduction d’impôt pour le débiteur et absence de taxation chez le créancier). Il est donc important lors de la fixation entre les parents des montants de pension alimentaire ou de prestation compensatoire de prendre en compte dans leurs calculs les incidences fiscales.
Pour un contribuable qui viendrait s’installer en France après son divorce à l’étranger, il faudra, pour lui assurer la déductibilité en France des sommes qu’il verse à son ex-épouse et ses enfants, vérifier que leur montant permet de les qualifier de pension alimentaire ou prestation compensatoire au sens du Code civil français.
Quand prend fin la solidarité entre époux pour le fisc ?
Pour les déclarations communes déposées avant la séparation, les ex-conjoints restent solidairement tenus au paiement de l’impôt sur le revenu, y compris si le montant de l’impôt augmente à la suite d’un redressement fiscal. Ainsi des contribuables qui se séparent en 2024, qui par malchance subissent la même année un contrôle de leurs déclarations communes, restent tenus solidairement au paiement d’un redressement fiscal qui interviendrait au titre des années 2021, 2022 et 2023.
Toutefois, s’il est démontré une disproportion marquée entre le montant de la dette d’impôt et la situation financière et patrimoniale des intéressés, ceux-ci peuvent, sous certaines limites, obtenir la décharge de leur obligation au paiement.
Quelle fiscalité au moment de la séparation du patrimoine ?
Le partage des biens communs entre ex-conjoints bénéficie d’un traitement fiscal de faveur. Seul est dû le droit de partage au taux réduit d’1,1 %. Toutefois, le droit de partage étant un droit d’acte, il n’est pas dû si le partage est purement verbal, à condition que le partage ne soit pas repris ultérieurement dans un acte. L’attribution lors du partage d’un bien à un ex-conjoint ne déclenche pas en principe de plus-value taxable (cette opération n’est pas assimilée à une vente). Toutefois, Il en va différemment si l’ex-conjoint se voit attribuer par l’autre l’un de ses biens propres, par exemple en paiement de la prestation compensatoire.
Quelle particularité pour le domicile commun ?
Le Code général des impôts prévoit l’exonération de la plus-value réalisée sur la vente de la résidence principale.
Si les conjoints en cours de séparation envisagent de vendre le domicile commun, il est préférable de ne pas le mettre en location, mais de laisser l’un des deux l’occuper jusqu’à la vente, car c’est une condition pour bénéficier de cette exonération.
L’autre ex-conjoint, qui a établi son nouveau domicile ailleurs, en France ou même à l’étranger, pourra dans ce cadre lui aussi bénéficier de l’exonération (même s’il est devenu propriétaire de son nouveau domicile). Mais en principe, l’ex-conjoint, qui continuera d’occuper le bien, versera à l’autre une indemnité d’occupation taxable.
Une fois l’ancien domicile conjugal vendu (en exonération d’impôt), le partage verbal du produit de sa vente préalablement au divorce sera ultérieurement soumis au droit de partage lors de l’intégration du produit de la vente dans l’état liquidatif du régime matrimonial annexé à la convention de divorce.
En conclusion, il est à souhaiter que se poser les bonnes questions fiscales et apporter les bonnes réponses permettent d’éviter d’ajouter de la tension fiscale aux autres sources de tension. Il y a toujours de bonnes ou de mauvaises occasions de faire appel à un avocat fiscaliste.