Depuis le 1er janvier 2024, entre en vigueur un nouveau dispositif de contrôle administratif du respect des règles de construction issu de l’ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 et qui vient compléter les procédures pénales et civiles concernant les constructions irrégulières.
Le dispositif mis en place par l’ordonnance du 29 juillet 2022 vise à épauler le juge pénal et le juge civil dans la lutte contre les constructions irrégulières en intervenant en amont.
Ainsi, le Code de la construction et de l’habitation est modifié et complété, en donnant davantage de pouvoirs aux autorités administratives, avec notamment la possibilité de prononcer des amendes administratives.
Le contrôle administratif du respect des règles de construction
De la simple prise en compte à l’attestation de respect des règles
Le contrôle du respect des règles de construction administratif (ci-après CRCA) concerne l’ensemble des intervenants impliqués autour de l’acte de construire et vise, dès le stade de la demande d’autorisation de construire, le respect des règles de construction telles que définies à l’article L111-1, 16° du Code de la construction et de l’habitation, à savoir : une disposition fixant des résultats minimaux ou les moyens permettant de respecter les objectifs généraux lors de la construction, l’entretien et la rénovation des bâtiments.
Globalement, dans le Code de la construction et de l’habitation, nous passons de la simple prise en compte des règles à un document attestant du respect de ces règles.
Ainsi, par exemple, l’article L122-7 du Code de la construction est modifié et le maître d’ouvrage, qui devait simplement attester de la prise en compte des exigences énergétiques et environnementales, doit désormais fournir un document attestant du respect, au stade de la conception, des exigences énergétiques et environnementales.
Par ailleurs, en fonction du risque, naturel ou technologique et en fonction de la nature de la construction, une attestation ou une véritable étude dès la demande d’autorisation d’urbanisme est nécessaire et émane d’un contrôleur technique, d’un expert, d’un constructeur ou de l’architecte du projet.
Des enquêteurs administratifs avec droit de visite
Afin de faire respecter ces règles, l’autorité administrative compétente désigne des enquêteurs administratifs au sein même de ses services, mais elle peut également désormais désigner un contrôleur technique agréé, assermenté, et n’ayant aucune activité de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance par rapport au projet, et ce afin de procéder à la visite des bâtiments.
Ce droit de visite s’exerce au cours des travaux de construction et jusqu’à six ans après leur achèvement.
Si des non-conformités sont relevées, alors l’enquêteur administratif établit un rapport transmis à l’autorité administrative et notifié à la personne visée par le contrôle qui peut faire valoir ses observations dans le délai minimum d’un mois.
La notification des manquements
Si sur la base du rapport de l’enquêteur administratif, l’autorité administrative décide de l’opportunité des poursuites, elle adresse dans ce cas une mise en demeure à la personne visée afin qu’elle régularise la situation.
Cette mise en demeure peut être accompagnée d’un arrêté prononçant la suspension des travaux dans l’attente de la régularisation, sauf si un motif d’intérêt général supérieur s’y oppose (article L181-12, al2 du Code de la construction et de l’habitation).
Si la personne visée ne se met pas en règle, l’autorité administrative lui notifie les griefs et son intention de prendre des sanctions à son encontre. Le contrevenant peut alors faire valoir ses observations dans le délai d’un mois comme le prévoit l’article L181-13 du Code de la construction et de l’habitation.
Les sanctions administratives
C’est l’article L181-13 du Code de la construction et de l’habitation qui fixe la liste des sanctions possibles :
– La consignation d’une somme d’argent correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser
– La réalisation d’office des mesures prescrites, en lieu et place des personnes visées dans la mise en demeure et à leurs frais
– La suspension des travaux
– Une amende administrative d’un montant maximum de 20 000 euros pour une personne physique et de 100 000 euros pour une personne morale, outre une astreinte possible de 300 euros par jour de retard pour une personne physique et de 1 500 euros pour une personne morale.
– Un « name and shame », car l’autorité administrative peut procéder à la publication de l’acte arrêtant les sanctions prononcées sur le site internet des services de l’État dans le département pendant une durée comprise entre deux mois et cinq ans.
L’ordonnance du 22 juillet 2022 qui vient d’entrer en vigueur constitue donc une véritable police administrative.
Les contrôles judiciaires des règles de construction
Les sanctions pénales
En cas de constructions sans autorisation d’urbanisme ou en cas de non-respect de cette autorisation de construire, l’auteur de l’infraction peut être condamné à une amende pouvant s’élever selon les cas jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros et en cas de récidive à une peine d’emprisonnement jusqu’à six mois.
Il est à noter qu’en cas de vente du bien immobilier irrégulièrement édifié, c’est en principe le vendeur, auteur de l’infraction, qui est poursuivi et non l’acquéreur.
Aussi, en cas de vente, le vendeur sera inspiré de régulariser sa situation avant la vente, à moins qu’un délai de six ans depuis l’achèvement de la construction ne se soit écoulé (prescription de l’action publique).
Il convient également de noter qu’en cas de destruction par incendie d’une construction sans autorisation d’urbanisme ou sans la respecter, le droit à la reconstruction à l’identique comme le prévoit l’article L111-15 du Code de l’urbanisme n’est pas appliqué.
Les sanctions civiles
Sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, un tiers, comme le voisin, peut engager une action en démolition ou de mise en conformité d’une construction sans permis de construire ou en cas de non-respect de cette autorisation dans un délai de cinq ans à compter de l’achèvement des travaux, mais à la condition que le non-respect des règles d’urbanisme ait un lien direct avec le préjudice qu’il allègue.
Si la construction est réalisée en conformité avec le permis de construire, l’action en démolition ne sera envisageable par un tiers que si préalablement le permis de construire a été annulé par le tribunal administratif, conformément à l’article L480-13 du Code de l’urbanisme et encore uniquement si la construction se situe dans une des zones limitativement énumérées par cet article.
De même, si la construction est réalisée en conformité avec le permis de construire, une action en dommages et intérêts contre cette fois-ci le constructeur dans les deux ans de l’achèvement de la construction, ne sera possible que si d’une part, le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative, et, d’autre part, que si le requérant rapporte la preuve d’un préjudice personnel et direct en rapport avec la règle d’urbanisme violée.
La commune ou la communauté de communes peuvent quant à elles, dans un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux, poursuivre la démolition ou la mise en conformité sur le fondement de l’article L480-14 du Code de l’urbanisme sans avoir à établir un préjudice personnel et direct du fait du non-respect des règles d’urbanisme.
Il est parfois difficile pour l’auteur de la construction de justifier de la prescription de l’action civile ou pénale car en l’absence de dépôt de la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux (DAACT) en mairie, il sera inspiré d’avoir publié sur les réseaux sociaux des photographies de sa construction, afin de pouvoir la dater ou de consulter le site Google Earth où il pourra retrouver les photographies aériennes de sa construction en pouvant remonter dans le temps.
Par Me Guillaume Heinrich, avocat au Barreau de Grenoble.