Comme l’ensemble de leurs confrères dans tout le pays, les avocats grenoblois se sont mobilisés ce mardi 16 novembre pour la défense du secret professionnel qui s’applique à leurs échanges avec leurs clients. Ils manifestaient ainsi le jour où le texte devait être examiné à l’Assemblée nationale.
Ce qu’ils contestent, c’est la rédaction de l’article III projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Un article qui établit des exceptions à la règle du secret professionnel. Il opère une distinction entre les deux branches de l’activité des avocats, celle de la défense et celle du conseil. Dans certains cas (fraude fiscale, blanchiment et financement du terrorisme), les échanges entre un client et son avocat ne seraient plus couverts par le secret professionnel. Rien de choquant, à première vue. Sauf que « l’article est très mal rédigé et ouvre la possibilité à toutes les interprétations », explique Evelyne Tauleigne, bâtonnier de l’ordre des avocats de Grenoble. Car c’est un juge qui, dans le cadre d’une enquête, va pouvoir décider de la nature de la relation d’un avocat avec son client : lui a-t-il, ou non, apporté un conseil lui permettant d’échapper au fisc ? Il aurait ainsi la possibilité, en répondant par l’affirmative, de permettre à des enquêteurs d’aller fouiller son cabinet. Si une telle disposition devait s’appliquer, on imagine les cascades de recours en annulation de procédures… dont les tribunaux déjà saturés se passeraient sans doute volontiers.
Mais ce n’est pas tout. Ce mardi devant le palais de justice, Evelyne Tauleigne dénonçait une deuxième disposition, « l’aberration juridique que ce même projet de texte vise à créer, par l’avènement d’une situation de complicité non intentionnelle de l’avocat permettant d’exclure le secret professionnel, créant une situation inédite dans laquelle l’avocat se retrouverait complice à l’insu de son plein gré ! » Autrement dit, en utilisant le flou de la rédaction du texte, un juge pourrait estimer que l’avocat n’a pas bien compris ce que lui disait son client, l’avocat devenant de ce fait complice sans le vouloir d’une infraction potentielle, situation qui permettrait à un juge enquêteur de déclarer le secret professionnel non applicable. Et là, il ne s’agit pas seulement du conseil en fiscalité, mais de l’ensemble des procédures.
Dans un communiqué dont Evelyne Tauleigne citait de larges extraits devant le palais de justice, les avocats du barreau de Grenoble indiquent refuser « que le secret professionnel de l’avocat puisse faire l’objet de négociation dans une société démocratique car il en constitue l’un des piliers en garantissant la suprématie de l’Etat de droit sur l’Etat de police », s’inquiètent « de la dégradation des libertés publiques et des droits fondamentaux qui va nécessairement en découler » et rappellent « que le secret professionnel de l’avocat, que celui-ci ne détient jamais pour lui-même mais au regard de son rôle dans une société démocratique, ne saurait connaître une exception aussi intolérable qu’injustifiée pour l’activité de conseil ».
Ils concluent par ces mots sans appel : « Il s’agit d’un projet de loi de défiance à l’égard de l’avocat. »