« Un avocat ne doit pas être éloquent, il doit être persuasif ». L’expression émanait de Michel Prud’homme, avocat honoraire, à l’issue de la tenue du prix Abécassis, le 9 novembre. Il prenait la parole pour avoir bien connu maître Jean-Pierre Abécassis dont il fut l’associé, Jean-Pierre Abécassis dont le concours d’éloquence du barreau de Grenoble a pris le nom.
De persuasion ou d’éloquence, il était question ce 9 novembre à la maison de l’avocat. Maitre Albane Miran était chargée de plaider sur le sujet de cette année 2021 : « existe-t-il une immunité de la défense? « . La jeune avocate – ce concours est destiné au jeune barreau – rappelait une évolution majeure du droit, celle qui, de Napoléon à Robert Badinter en 1982, a transformé le statut de l’avocat, de celui contraint de porte-parole de l’autorité publique, à celui de défenseur des droits, protégé par la loi.
1982, une date pas si éloignée. Auparavant, l’avocat pouvait tomber sous le coup d’un délit d’audience. Une parole d’autant restreinte. Ce qui conduisait naturellement maître Albane Miran à s’interroger sur la réalité actuelle de la liberté d’expression du défenseur. Et pas uniquement en Iran ou en Turquie.
Outre les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme qui ont pu dire que des décisions de la justice française portaient une « atteinte disproportionnée aux droits de la défense », la question raisonne d’une récente actualité. Les avocats contestent notamment des dispositions qui pourrait voir le jour et remettre en cause le périmètre de leur secret professionnel. Atteinte à « l’immunité de la défense »? Albane Miran concluait son propos en rappelant qu’un droit n’est jamais définitivement acquis. L’immunité de la défense pas plus qu’un autre. Et que, en un clin d’œil à la situation sanitaire, l’immunité collective doit être recherchée par la solidarité d’une profession attentive à la défense des droits et libertés.
Le bâtonnier Michel Prud’homme, en évoquant Jean-Pierre Abécassis, citait une anecdote. Un juge d’instruction avait eu l’idée de décider d’un contrôle judiciaire qui permettait au mis en cause de rencontrer qui il voulait, à l’exception de son avocat, maître Jean-Pierre Abécassis. La décision avait suscité l’émotion de la profession : « une centaine d’avocats ont investi les couloirs du palais de justice, à l’époque dans les locaux de l’ancien Parlement du Dauphiné », racontait Michel Prud’homme.
Les inquiétudes actuelles des avocats, notamment quant à l’inviolabilité de leur secret professionnel, témoignent de l’intérêt de rechercher une « immunité collective » garante de « l’immunité de la défense ».
Maître Albane Miran interviendra de nouveau sur le même thème lors de la rentrée solennelle du barreau, le 26 novembre prochain, devant un public élargi.