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« C’est un moment rare dans la vie d’un magistrat, ce moment de rencontre et de vérité. » Anne Auclair-Rabinovitch, présidente du tribunal judiciaire de Grenoble, s’exprimait ainsi lors de la soirée du 4 avril, à la maison de l’avocat. Le barreau de Grenoble s’était associé au tour de France de l’association Droit pluriel, qui milite pour l’accès à la justice soit mieux assuré pour toutes les personnes en situation de handicap, organisé en collaboration avec l’Union nationale des aveugles et déficients visuels.

Anne Auclair-Rabinovitch, présidente du tribunal judiciaire de Grenoble.

Les débats avait été précédés de la projection d’un film documentaire, Parents à part entière. Une série de témoignages de personnes mal voyantes qui démontrait comment un parent peut jouer pleinement son rôle auprès de ses enfants, par delà son handicap, qu’il soit seul ou en couple. De quoi remettre en cause les idées reçues.

Le débat ensuite roulé dans la salle de la maison de l’avocat. Sa fluidité montrait tout à la fois la réalité de difficultés pour une égalité d’accès à la justice, les mesures qui sont prises et le chemin qui reste à parcourir.

Des témoignages concrets, parfois émouvants.

Le premier de ces obstacles, c’est sans doute le regard des autres. Témoignage fort que celui de cette jeune femme, qui explique la fin de son couple à la suite de violences, puis son combat pour obtenir de ne pas être séparée de son enfant : c’est son handicap qui a été mis en exergue pour justifier des décisions de justice qui ont finalement été revues. « Il faut se battre, justifier, être encore plus irréprochable que n’importe qui, en étant tout le temps surveillée et avec en permanence le risque de voir les enfants nous être retirés », indiquait l’une des intervenantes pour souligner que le regard des autres, la méconnaissance du handicap, conduisent la personne concernée à devoir en faire toujours davantage. Pour faire valoir ses droits en justice, comme dans d’autres domaines de la vie sociale.

Luiz Beltran-Lopez, élu grenoblois; Jean-Paul Wyss, président du tribunal administratif; Jean-Yves Balestas, bâtonnier de l’ordre des avocats; et Anne Auclair-Rabinovitch, président du tribunal judiciaire.

Les difficultés sont aussi très concrètes. L’un des intervenants au débat, déficient visuel, expliquait ainsi combien la dématérialisation de nombreux actes de la vie quotidienne conduit à des impasses pour certains types de handicap. « On nous dit connectez-vous sur le site et remplissez le formulaire, mais je ne le vois pas, le formulaire. » Il faut alors se déplacer pour rencontrer quelqu’un. D’autant plus difficile quand les horaires d’ouverture des services publics rétrécissent, qu’il faut avoir une solution pour se déplacer… « les gens ne se rendent pas compte. »

Face à ces situations, le bâtonnier Balestas indiquait les possibilités qui sont celles dans la médiation. Un processus qui permet de mieux cerner la réalité de la situation et de dégager des solutions souvent plus pérennes que la décision d’un tribunal.

Luis Beltran-Lopez, conseiller délégué de la ville de Grenoble.

L’amélioration de l’accès au droit pour les personnes en situation de handicap implique également la prise de décisions au niveau de l’État, estimait Luiz Beltran-Lopez, conseiller délégué de la ville de Grenoble, chargé du handicap et de l’accessibilité. « Lorsque la loi sur le logement adoptée en 2019 remet en cause les dispositions prises pour le logement des handicapés en 2005, cela n’est pas un bon signe pour les luttes contre les discriminations », disait-il, avant d’évoquer les difficultés de cohérence entre services sociaux de la ville et du département.

Difficultés dans les relations avec les administrations pour lesquelles le tribunal administratif est compétent. Son président, Jean-Paul Wyss, notait les dispositions prises par cette juridiction pour assurer l’égalité d’accès au droit pour tous les justiciables.

Les avocats ont aussi un rôle à jouer pour améliorer l’égalité d’accès au droit, comme l’indiquait maître Laurence … « C’est notre mission que de faire entendre la voix de nos clients devant un juge, nous sommes formés pour nous adapter et établir une relation avec nos clients et porter leur parole. »

Le débat autour de « solutions pragmatiques », comme le souhaitait Anne Auclair-Rabinovitch en soulignant l’importance de l’accueil physique des justiciables, s’est poursuivi au rez-de-chaussée de la maison de l’avocat autour d’un verre.

Un moment rare, que ces rencontres.

Jean-Paul Wyss, président du tribunal administratif.
Laurence Ligas-Raymond, avocate.

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